[Claire Brossaud]
1) Le festival Villes en biens communs sera particulièrement bien représenté à Lyon : quelles seront les principales thématiques abordées ?
La particularité de Lyon est de couvrir un large spectre de thématiques qui va bien au delà du numérique : l’environnement, l’espace public, l’art, le savoir et la formation, l’économie collaborative, la participation citoyenne, etc. Certains événements font même cohabiter ensemble plusieurs thématiques à l’échelle d’un quartier : c’est le cas de la Guill’ en biens communs ou de l’atelier wiki collaboratif qui réunit trois collectifs issus de l’éducation populaire, de l’Internet libre et de l’économie collaborative.
2) Qui sont les acteurs mobilisés pour Lyon en biens communs ? Comment s’est articulé ce travail inter-collectifs ?
Il y a six mois, nous nous sommes lancés à trois dans l’aventure de Lyon en Biens Communs, et nous avions misé alors sur la possibilité d’avoir une vingtaine d’événements pour cette première édition du festival. Aujourd’hui, nous en avons presque 30, soient quasiment autant de collectifs qui proviennent principalement du milieu associatif et de quelques institutions. Plus de la moitié était présente lors de la dernière réunion de l’intercollectif le 21 septembre dernier. Nous avons fonctionné de manière bénévole, sans soutien des collectivités territoriales, avec un noyau dur de 5 personnes pour l’organisation et de quelques représentants associatifs très impliqués dans la dynamique du projet. Il existe à Lyon une grande vitalité de la société civile autour des Biens Communs, vitalité que l’on doit sans doute en partie à l’histoire, encore vivante, du mouvement coopératif local.
3) Deux ou trois événements “coup de coeur” / à ne pas manquer de cette édition Lyonnaise ?
Il y a bien sûr l’événement transversal du 12 octobre lancé à l’initiative de l’intercollectif. Il s’agit d’une conférence-débats grand public pour mieux connaître et interroger la notion de biens communs. Ceux que j’ai mentionnés précédemment témoignent de la capacité des acteurs locaux à se fédérer ensemble. La liste de tous les événements à Lyon et alentours est disponible sur le site francophone mais aussi sur une page dédiée que l’on a crée pour l’occasion : http://lyon.bienscommuns.org/
Valérie Peugeot – Présidente de Vecam
Pourquoi avoir choisi l’angle de la Ville pour parler des biens communs ?
Les habitants des villes sont à la fois parfaitement visibles dans l’espace public que constituent les rues, les places publiques, et très peu visibles dans l’espace politique. Même si le rôle des municipalités, des élus et des administrations est essentiel dans la gestion et le développement d’une ville, il ne faut pas oublier que les habitants la façonnent aussi à leur manière. Par exemple, en choisissant de partager des savoirs sur leur ville, en s’auto-organisant pour gérer des jardins partagés ou des ruches sur les toits, en imaginant d’autres formes de production et de distribution que celles du marché classique, ils participent au développement de la “cité” au sens de la Polis grecque, c’est à dire une communauté de citoyens libres et autonomes.
En quoi les solutions du libre vous paraissent-elles utile pour les temps qui viennent ?
Le logiciel libre a été un des tous premiers dans l’ère numérique à revisiter la notion de commun qui nous venait du 12ème siècle et des communs naturels et qui avait en grande partie sombrer aux oubliettes de l’histoire pendant le 19ème et 20ème siècle. Il l’a revisité de façon très pragmatique, en démontrant qu’on pouvait à la fois faire de l’économie et du droit autrement. C’est à dire à la fois penser le modèle économique d’une ressource partagée (en l’occurrence le code) et le modèle de gouvernance tels qu’il s’inscrit dans le droit (en l’occurrence les licences GPL). Et depuis il a montré à la fois sa robustesse (pourtant les attaques n’ont pas manquées) et sa capacité à inspirer d’autres communautés, dans le open hardware, le open courseware pour ne prendre que ces deux exemples.
Comment les citoyens peuvent-ils s’en emparer ? Comment élargir le cercle des convaincus ?
Il y a 100 manières de s’en emparer, des plus modestes aux plus ambitieuses.
Partager une photo sur wikicommons, corriger des fautes d’orthographe dans wikipedia, c’est déjà contribuer aux biens communs. Investir des terrains vagues laissées à l’abandon dans une ville pour en faire un jardin potager pour que les enfants du quartier voient comment pousse une carotte, c’en est une autre.
Mais il y a aussi un travail plus politique et culturel à mener pour défendre les communs dans toutes leur diversité, desserrer l’étau intellectuel qui depuis la fin du 18ème nous fait croire qu’en dehors du marché et de l’Etat il n’y a pas d’autres manières de “faire société”. C’est ce que Vecam avec bien d’autres, essaye de faire.
Comment cela peut il inspirer les maires et candidats ou autres élus ?
Nombre de responsables politiques sont désorientés, même s’ils ne le disent pas publiquement car n’est pas très vendeur électoralement, quand une partie de la population est déboussolée, malheureuse, de montrer son propre sentiment d’impuissance.
Nous pensons qu’ils peuvent puiser dans les Communs une source d’inspiration pour renouveler l’imaginaire politique et pour renouer un lien souvent distendu avec les citoyens qui les élisent.